Disparition des services publics dans la région du Centre, ou quand le numérique remplace l’humain

Par Sophie MATHIEU

Cet été l’ONEM a annoncé qu’il envisageait un grand plan de réorganisation. Selon ce plan, en 3 ans, pas moins de 1.000 emplois devraient disparaître soit 40% du cadre actuel de cette institution publique. Un plan qui suscite la crainte de voir disparaître certains bureaux régionaux et notamment celui de La Louvière. En effet, dans le plan présenté par l’ONEM, les services de la Louvière devraient être déplacés au sein de l’ONEM de Mons. En plus d’un mauvais signal pour la région, une telle suppression aurait un impact important sur les usagers qui se verraient contraints de devoir se déplacer jusque Mons pour effectuer certaines démarches. Sachant que le traitement des dossiers par les agents de Mons entraînerait une perte du réel service de proximité avec prise en compte des spécificités locales en terme d’origine de la population par exemple.

La possibilité d’effectuer les démarches en ligne restera une solution pour les usagers. Mais ce recours à la digitalisation, en plus de la perte complète du côté humain, amplifiera encore la fracture numérique. Une grande tranche de la population n’a pas accès à l’outil informatique parce qu’elle souffre d’analphabétisme ou se trouve en grande précarité financière par exemple. La Louvière compte de nombreux allocataires sociaux qui n’ont donc, de facto, que peu de moyens à allouer à leur formation digitale, parfois même dans le simple fait d’acheter un ordinateur à l’heure où, dans nos sociétés occidentales, l’accès à un ordinateur et à un Wifi est presque devenu vital.

Aujourd’hui, le défi de la région du centre pour tenter de conserver une majorité de services de proximité sur son territoire réside en partie dans son positionnement entre Mons, chef-lieu de la Province, et Charleroi l’un des plus grandes villes de Wallonie. Alors, pourquoi ne pas imaginer un consensus en concentrant certaines activités à la Louvière, d’autres à Charleroi ou encore à Mons. Chaque ville ou région a une réalité spécifique qu’il faut connaitre afin d’améliorer ou de développer de nouveaux services de proximité.

Grand détricotage en cours

Nombreux sont les services qui ont étés fermés dans la région du Centre ces dernières années : cadastre, TVA, impôts des sociétés, service de recouvrement, enregistrement, …

On constate également la fermeture quasi généralisée des points de vente de billets dans les gares. Ici encore, le fait de remplacer des services par des moyens en ligne (impôts, billets de bus, trains, etc) creuse encore le fossé des inégalités et cultive la fracture numérique. Le tout à la digitalisation n’est pas un modèle qui nous correspond, il faut garder des services de proximités.

Un autre levier important et capital pour l’avenir de la jeunesse et l’attractivité de notre région est l’enseignement. En Septembre 2025, le département économique de la Haute École Libre Louvain en Hainaut, actuellement situé à La Louvière, déménagera sur le campus de Montignies-sur-Sambre. Une véritable catastrophe pour le Centre qui présente déjà une trop rare offre de formation et d’enseignement supérieur de type court donnant accès à des Masters. Actuellement l’accès à des formations de type universitaires toutes basées en Wallonie sur les régions de Mons, Namur ou Charleroi.

Selon la direction de la HELHa, le bâtiment occupé actuellement est trop vieux et elle ne souhaite pas investir dans celui-ci. La HELHa compte allouer ces budgets à des projets pédagogiques en développant des  synergies entre sections sur un véritable Campus unique.

Et pourtant, la ville de La Louvière avait proposé des alternatives, notamment via la mise à disposition de terrains ou de bâtiments permettant l’extension de l’actuel campus, mais ces solutions n’ont pas été retenues par la HELHa

Dans 3 ans, ce sont donc 350 étudiants répartis sur 5 sections qui vont quitter la Louvière. Une perte immense pour de nombreux jeunes qui n’ont pas la possibilité de se déplacer ou les moyens de partir étudier dans une autre ville. De plus la présence d’une Haute École et des étudiants eux-mêmes contribuent à faire d’une ville, une ville vivante : conférences, concerts, ciné-club, fêtes étudiantes…

Notre région a besoin de talents et nous devons les former au mieux afin d’envoyer un signal fort et attractif aux futurs entrepreneurs qui souhaitent investir dans la région du Centre.

Autant d’exemples qui prouvent que nous devons nous battre pour sauvegarder nos services publics, eux qui constituent le seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas !

Il n’y a, en effet, quasi aucun domaine de la vie courante dans lequel les services publics ne seraient susceptibles d’agir au bénéfice du plus grand nombre. À l’avenir, si nous souhaitons réduire les inégalités, il faudra passer par un renforcement des services publics existants et leur expansion à de nouveaux domaines.


ASBL CEPRé 31 octobre 2023
Partager cette publication
Tags
Archiver